Roux

Pierrafeu est roux. 
Le dire comme ça c'est presque essayer de se justifier comme si c'était une tare ou faute.
Moi je suis rodée aux remarques, deux de mes frères et ma soeur sont roux. Quand on était petits et qu'ils se prenaient des réflexions, j'avais envie de péter les dents à tous ces connards.

Aujourd'hui je me suis un peu calmée mais…

 

pourtant les remarques n'ont pas cessé de fuser. Déjà à leur naissance par césarienne, une idiote avait eu cette réaction "ooooh y'en a un qu'est roux". Alors que je n'avais même pas encore vu mes bébés, elle se permettait de les découvrir avant moi et de m'en faire part. Un quart de seconde j'ai espéré que ce soit la petite qui soit rousse. Je me disais que ce serait plus facile pour elle, alors que je sais bien ce qu'a subit ma soeur. Je savais bien que mes frères et ma soeur ont, enfants, supplié notre mère de leur teindre les cheveux, je me souvenais bien de mon petit frère, qui rentrant du foot, se frottait le visage pour faire disparaître ses tâches de rousseur.

Les insultes, les réflexions stupides, le racisme quoi. Les enfants ne sont pas tendres entre eux et que dire des adultes! Soit carrément des cons comme ce mec d'une trentaine d'années qui nous croisant mon grand frère et moi a dit "j'aime pas les roux" en crachant à nos pieds, soit carrément des clowns, option école du rire bac +10, "han, il pleut avec tes cheveux ça va sentir le poireau".

Bien souvent j'ai eu envie de péter des tibias pour défendre mes frangins, pour leur faire fermer leur gueule à ces sombres abrutis. Bref, ça m'agaçait légèrement. 

Quand mon frère s'est pratiquement fait cracher dessus en pleine rue à cause de sa couleur de cheveux, je me suis retournée pour coller une patate au connard et j'étais en train de lui hurler que moi je n'aimais pas les connards quand mon frère m'a rattrapée par l'épaule "viens, laisse tomber".

Ca m'a mis en colère, à deux on pouvait lui casser la gueule, même si on avait la moitié de son âge et qu'il était bien plus costaud.  

Mardi dernier, à la piscine, c'est Pierrafeu qui rattrapé Rosette par le maillot de bain, prête à en découdre avec un gamin qui avait dit à son frère jumeau "t'es moche" en lui montrant ses cheveux. 

Quand Pierrafeu m'a raconté ça, j'ai félicité Rosette… et Pierrafeu. Normal que sa soeur veuille le défendre, comme l'ont déjà fait aussi ses frangins dans le bus par exemple et j'ai été fière que Pierrafeu laisse couler (il a pas coulé le môme!).

A chaque fois qu'on vient lui chercher des poux dans ses cheveux roux, on en reparle ensemble et on tente de lui apprendre la répartie.

Par exemple, pour l'épisode à la piscine, je lui ai dit qu'il aurait du répondre "je suis moche? Bah comme ça on est deux!" ou quand quelqu'un lui dit "han t'es roux", lui dire qu'il est observateur, bravo.
Mais de lui même, il laisse glisser la plupart du temps. 

A l'inverse, quand les associés se moquent d'un autre enfant, on retourne la situation en prenant exemple de ceux qui se foutent de Pierrafeu pour leur faire comprendre que tout peut-être sujet aux moqueries et que ça lasse ceux qui les reçoivent.

Apprendre la tolérance, quoi.