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Ces "bonne année" que je ne peux plus souhaiter

En ces temps de présentation des vœux, il y a deux endroits où je ne vais plus hurler "bonne année" chaque début de janvier.

Avec le temps, je me suis habituée à ne plus franchir les entrées de ces deux maisons. Pourtant plus les années passent, plus les associés grandissent et plus elles me manquent.

Ce sont les maisons de mes grands-parents.

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Le jeu de Paume, après les patates à la cendre

Mes grands-parents maternels habitaient à 50 m de chez mes parents. Petite j'y ai passé de nombreuses heures et nuits. C'était en quelque sorte ma deuxième maison. Avec mes frère et sœur, l'on passait par le garage, on se préparait un goûter (le reste du café réchauffé pour moi), et on s'installait devant la télé en les attendant quand ils n'étaient pas là. On connaissait leur emploi du temps par cœur : le mardi, ils allaient rendre visite en fin de journée à la mère de notre grand-père, le jeudi, ils étaient partis faire des courses...

Ils débarquaient alors qu'on avait envahi leur espace sans un reproche malgré le désordre dans la cuisine ou le dessin animé niais que nous étions en train de regarder. Longtemps, nous n'avions plus de télé à la maison et leur rendre visite c'était aussi se gaver de téloche.

Mais il y avait aussi les longues parties de Monopoly où ma grand-mère nous laissait gagner, les parties de nain jaune, les jeux dans le jardin...
Ils étaient des grands-parents plutôt modernes, enfin nous on les voyaient comme ça parce que l'on avait le droit de temps en temps à un petit coca, du ketchup ou des bonbons qui piquent. Mon grand-père venait souvent nous chercher à la sortie du collège, il se garait toujours au même endroit et sortait nous attendre debout sur un petit muret, je le vois encore la gitane au bec le chapeau sur la tête.

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Paysages quotidiens de mon enfance

Les relations entre ces grands-parents là et mes parents étaient parfois un peu tendues et l'on se sentait un peu pris entre deux feux. A l’adolescence, je me suis éloignée d'eux. Moins le temps, trop grande pour jouer au Monopoly... je ne savais pas encore que mon Grand-Père allait mourir brutalement et si jeune.

Après la mort de mon Grand-Père, ma Grand-Mère s'est repliée sur elle même. Elle ne digérait pas qu'il l'ait "laissé seule" a seulement 68 ans. Pas facile pour un petit-enfant de tenter de remonter le moral de sa Grand-Mère quand elle n'avait qu'une envie "le rejoindre". Elle avait décidé d'attendre sans lui mais n'avait plus goût à rien.

Chez mes grands-parents paternels, c'était différent. Je ne me souviens pas avoir connu mon Grand-Père en forme. Ma Grand-Mère s'occupait de tout dans la maison et à l’extérieur. Quand il n'a plus su conduire, elle a repris des heures de leçons dans une auto-école. "C'est ça où on ne sort plus jamais!" s'est-elle interposée quand mon Grand-Père macho devant l'éternel s'est offusqué de la voir prendre les commandes. Elle qui avait un sacré caractère, le montrait enfin. Chez eux, c'était les semaines de vacances, aux petites et aux grandes.
C'était les cousines qui habitaient pratiquement dans la même cour et ma grand-mère qui râlait parce que je rentrais 5 mn après l'heure définie. Midi pile pour le diner (et non le déjeuner) et 18h30 pile pour le souper (car le bain avant!). C'était le brossage des dents irréprochable, un petit Pimousse si on était sage (et un 2e donné en douce par mon Grand-Père), les balades en forêt avec les patates mises dans la cendre si des bucherons étaient en train d'élaguer...

Là-bas le frigo était presque vide : yaourts maison, lait de la ferme, quelques tranches de jambon de chez Fournier le charcutier du village qui nous donnait toujours une tranche de saucisson, la salade, le paquet de café dans son tupp et les petits-suisses du Grand-Père. Et c’est tout. Je vous rassure on y mangeait très bien, tout était au congélo comme disait ma grand-mère : viande de la ferme, ses lapins, et les légumes du jardin.

Comme mes grands-parents maternels, cette grand-mère passait ses journées dans le jardin cultivant absolument tous les fruits et légumes : les carottes, salades, haricots verts, pommes de terre bien sûr mais aussi les choux rouges, blancs, de Bruxelles, les asperges, le céleri branche ou rave, les fraises, les framboises, les pommes, les radis rouges ou roses, les navets, les poireaux, les herbes aromatiques... tout était frais une fois que l'on passait à table.

Et le plus drôle c'est qu'elle nous engueulait si l'on ne repartait pas avec 3 salades, 2kg de haricots ou 5 citrouilles "ben qu'est-ce que j'va en faire moi!". On avait beau lui dire de faire plus petit, chaque année elle pouvait concurrencer le maraicher du coin. Dans les dernières années de sa vie, la pelouse avait quand même gagné du terrain.

Elle avait dit qu'elle mourrait dans son jardin, et c'est à cause d'une chute au pied de ses framboisiers qu'elle nous a quittés.

Comme avec ma grand-mère maternelle je m'étais un peu éloignée de cette Mémère là. Et puis quand j'ai eu le permis, je suis allée la voir seule. Ça m'offrait une escapade solitaire. On est devenues très proches. D'aucuns disaient que j'étais sa chouchoute. Et elle ne démentait que très mollement.

L'annonce de la mort de chacune d'elle a été un choc. Mais particulièrement celle de ma Grand-Mère paternelle qui était encore très vaillante malgré des ennuis de santé et ses presque 89 ans. 

Voilà mes deux grands-mères ne sont plus là depuis longtemps. Au début je comptais le nombre de jours "je ne l'ai pas vue depuis XXjours". Je pense à elles chaque jour : le céleri rémoulade pour l'une, les pâtes au fromage pour l'autre, les cornets où s'entassent les boules aux multiples parfums pour l'une, le bouillon de poule pour l'autre, "le petit Jésus s'en allait à l'école" pour l'une, "nous n'irons plus au bois pour l'autre"...mon enfance perdue pour les deux.

Elles pensaient à moi toutes les deux. Et même si parfois, même très souvent elles manquaient de tact, elles étaient toujours bienveillantes. L'une m'a vue mère de 3 enfants, l'autre mère de 4. Elles étaient toutes les deux fières de la famille que j'avais construit. Elles se souvenait aussi à travers moi.

J'étais leur petite-fille, "ma petite fille".

Je ne le suis plus.

 

Je vous souhaite des "bonne et heureuse année" avec les gens que vous aimez.

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J'ai décidé de participer au #10dumois de Claire, histoire de me lancer un défi écriture que je tente de décaler un peu! Toutes les infos sur son blog!

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Commentaires

  • Oh, c'est un très joli texte, très émouvant...

    J'aurais aimé pouvoir vivre des moments comme ceux-là dans mon enfance, moi qui n'ai connu qu'une seule grand-mère qui vivait à plus de 500 km... Je n'ai pas ce genre de souvenirs. Et pourant ils sont tellement précieux ! Merci infiniment pour ce partage.

  • Oui c'était une chance de les avoir pas loin.

  • Que de beaux souvenirs!
    Je n ai pas connu mes grands parents, je n ai pasnpassé de vacances chez eux... (sauf une ou de fois mais je n ai pas de bons souvenirs de cette grand mere)

    Bonne année à toi!
    D.

  • Joli texte
    je me retrouve parfois, dans l'échange avec mes grand mères ou les différences entre ces deux là
    les partages que nous avons encore avec une...et l'autre qui n'est plus depuis 3 ans

    dire bonne année à parfois une saveur amère quand il y a des gens qui manquent
    ton texte est doux et fort a la fois
    je l'ai lu au taf...sinon je pense que j'aurai réussi a être davantage émue....

    ne jamais oublier....

  • oh c'est magnifique. on sent les odeurs on a l'impression de voir les images. c'était doux et beau.
    Ça m'a fait remonté tous les souvenirs que j'avais bien gentiment enfouis et entassé bien au fond de mon coeur.
    Meme que j'en pleure.
    merci.
    et a mon tour je te souhaite une douce et belle année.
    bise amélie

  • une amie me dit que j'ai le chic pour raconter les détails. C'est marrant parce que je les trouve tjs pas terribles ces billets ;)

  • Je n'ai jamais eu de relations avec mes grands parents paternels, qui ne fetaient ni Noel, ni le jour de l'an d'ailleurs et avec qui rien ne s'était vraiment crée au fil du temps.
    Par contre je ressens moi aussi ce manque dont tu parles avec mes grands parents paternels.
    Tres emue par ton article

  • Quelle jolie façon de commencer l'année que de se rappeler tous ces doux souvenirs

  • J'aime beaucoup cette histoire de grands parents, tu partages d'une très jolie manière ces instants avec nous, j'étais dans le jardin avec toi ou devant la télé avec le goûter. C'est une vraie chance de vivre ça avec eux, c'est un luxe même. Mes fils ont une relation privilégiée avec mes parents et même avec mon grand père qui a 86 ans et que mon Petit Loulou appelle "mon copain". Que de richesse pour eux. Que de bonheur pour tous. Bises.

  • quelle chance tu as d'avoir encore ton grand-père!

  • J'aime beaucoup cette histoire de grands parents, tu partages d'une très jolie manière ces instants avec nous, j'étais dans le jardin avec toi ou devant la télé avec le goûter. C'est une vraie chance de vivre ça avec eux, c'est un luxe même. Mes fils ont une relation privilégiée avec mes parents et même avec mon grand père qui a 86 ans et que mon Petit Loulou appelle "mon copain". Que de richesse pour eux. Que de bonheur pour tous. Bises.

  • J'ai jamais eu qu'une seule mamie.
    Les grands parents c'est ma mamie, c'est tout, les autres appartiennent aux photos jaunies, fantômes du passé ...
    Elle a 92 ans...
    J'espère pouvoir lui souhaiter quelques bonnes années encore ... :/

  • je l'espère aussi pour toi ;)

  • Merci pour ce billet qui m'a beaucoup ému. Très juste

  • Rhoo mince je pleure maintenant tiens...
    C'est bien raconté ton histoire. On a l'impression d'y être.
    Je n'en ai connu aucun de mon côté. On dit parfois que ce qu'on n'a pas connu ne peut pas manquer. Ben c'est faux. Quand je lis ton texte, ça me fait resssentir un vide que je sens à chaque fois qu'on me parle d'histoires de grands parents. Un manque...
    Même si j'ai les yeux tout mouillés, je te remercie car ça me fait toucher du doigt ces petits bonheurs.
    Belle année à toi.

  • je suis triste aussi pour toi. C'est vrai que ça doit être comme un vide. Enfin je vois ce que tu veux dire.

  • ouais tu as raison, c'est juste une histoire d'amour en fait .

  • Quel beau billet !
    Forcément ça fait remonter des souvenirs... côté paternel pas trop car ma grand-mère n'était pas tjs bienveillante à notre égard.
    Mais côté maternel, ... whaou je devrais aussi écrire tous ces souvenirs culinaires, avec mes cousins....
    Belle journée, chez moi il neige !

  • go, go, écris pour te souvenir!

  • tu as une bien jolie plume pour nous parler de tes racines. l'amour, les valeurs simples et saines, la joie, mais aussi l'absence, la mélancolie, le manque... ce sont tout autant d'émotions qui nous submerge à lire ce très très joli texte...
    Je te souhaite une belle année à venir remplie de ces souvenirs

  • merci et meilleurs vœux à toi également.

  • Hello ma belle

    c est beau c est juste ca me met la larme a l œil
    Ici je n ai plus qu une mamie ..
    Quand je vois les filles avec leurs 4 grands parents , je me dis qu elles se fabriquent de jolis souvenirs comme moi j en ai
    je t embrasse fort

  • Pareil ici, les grands parents des associés sont top. Ils engrangent des souvenirs!

  • Ton texte m'a profondément touché, ce début d'année m'a particulièrement fait ressentir ce sentiment...
    J'ai perdu ma gm l'an dernier, et c'est encore très présent dans ma tête, mon cœur. Je ne pensais pas autant pour tout dire. J'ai ressenti les similitudes entre ton histoire et la mienne, les mêmes parfums...
    La dernière Mamy que j'ai encore la chance d'avoir ne se souvient plus de moi, ni des autres d'ailleurs. Encore des "bonne année" qui me manque à dire...

  • :(

  • Mince je ne voulais pas autant entrer dans le pathos !!! J'ai eu la chance d'avoir des gp géniaux, qui ont connu mon mari, mes enfants (presque tous)... Je ne suis vraiment pas à plaindre !!! Je suis juste encore dans l'absence, son absence et voilà, mon commentaire ressemble à ça !

  • Que c'est joliment raconté...je t'y vois et j'imagine très facilement tes grands parents et tes souvenirs.
    Mes grands parents paternels sont encore en vie (ils vivent dans le Sud donc je les voient 2/3 fois ans) , j'ai de bons souvenirs aussi.
    Mes garçons sont très proches de maman et ils auront comme toi de doux et drôle souvenirs de leur Mamie adorée.

  • très émouvant ! Je n'ai pas vécu autant de choses avec mes grands-mères mais tu as bien raison de nous rappeler d'en profiter pendant qu'il est encore temps !

  • C'est un très bel hommage à tes grands parents, emprunt d'émotions et de tendresse.
    Un texte qui me rappelle combien il est important de profiter des gens tant qu'ils sont là...
    Merci pour ce beau moment passé à la lecture de ton récit.

  • Défi relevé, ce texte est très beau, on sent presque l'odeur du café réchauffé...

  • D'une manière générale j'aime lire tes billets car ils sont souvent drôles, ironiques (et tellement le reflet de la vraie vie !!)
    Mais saperlipotte, t'es super douée aussi quand t'es pas drôle...

    J'ai perdu mes deux grands pères assez jeune.
    Et je n'ai connu qu'une de mes grands mères.
    J'ai eu la chance d'en profiter jusqu'à mes 37 ans.
    Mais lui dire au revoir avec mes deux petits dans le ventre, qu elle ne connaîtra jamais, a été un peu moment très douloureux..

  • Oui c'est difficile, on se demande toujours quelle relation ils auraient établie

  • Ton texte est vraiment très émouvant... Mon grand-père maternel a été hospitalisé plus d'un mois et je ne peux me résoudre ne serait ce qu'à penser qu'il pourrait ne plus être là.... Pourtant ainsi va la vie...

  • Oui une étape. Mais on ne la réalise qu'une fois franchie.

  • Quel hommage émouvant. Tu as passé de beaux moments avec tes grands-parents.
    Mon père est orphelin, je n'ai connu que les parents de ma mère. Mon grand-père est décédé alors que ma fille avait à peine un an. Ca a été dur. Et je sais que ma grand-mère ne sera pas éternelle... je sais qu'on continuera à se souhaiter une bonne année à venir, même si on perd ceux qui nous sont chers. Heureusement qu'on garde les beaux souvenirs.

  • Très bien raconté, très émouvant que de bons souvenirs.
    Les moments passés chez les grands parents sont souvent inoubliables.
    Bonne journée.

  • Très beau texte.
    Ma dernière grand-mère est morte en 2015, à 100 ans. Je regrette de ne pas avoir plus profité d'elle, mais c'est la fin je ne reconnaissais plus cette femme pleine de vie qu'elle avait été, c'était frustrant (et assez égoïste, oui).
    C'est mon grand-père paternel à qui je pense le plus souvent, car bien que mort à 84 ans, j'ai le sentiment qu'il avait encore de belles choses à vivre avec nous tous et qu'il aurait su tellement les apprécier. Mais bon, pour lui aussi, la perte de sa femme était trop dure à vivre au quotidien.

    Bref, je crois que je n'ai pas souhaité une bonne année aux âmes qui fréquentent cet endroit, alors tous mes voeux à tous!

  • Très bel hommage. Pour ma part je n'ai connu que ma grand mère maternelle de mes 4 grands parents et je pense souvent à elle, à la semaine de vacances que l'on passait tous les ans chez elle sans nos parents...
    Je regrette qu'elle n'ait pas connu les enfants.

  • Bah voilà, les larmes sont là... Ce billet a une forte résonance en moi. Des jolis souvenirs, des tranches de vie, du partage, de la transmission. J'ai eu cette chance de connaître mes grands-parents. Mais aujourd'hui, plus aucun n'est là, et ils me manquent furieusement tous les jours. Merci pour tes mots.

  • Quel beau billet, que de jolis souvenirs... J'ai aussi pu profiter beaucoup de mes grands-parents, les uns très proches géographiquement, et les autres chez lesquels nous passions presque toutes les vacances, à 1000 km de chez nous (mes meilleurs souvenirs d'enfance). Les liens sont toujours très forts avec la grand-mère qui me reste. Et je me dis souvent que cette relation est si précieuse. Je veux l'entourer malgré la distance et lui offrir de beaux moments avec ses arrières petits fils. Je souhaite profondément qu'elle jouisse de "doux vieux jours".

  • Je n'ai pas connu mes grands-pères, très peu mes grands-mères. Mes 3 enfants n'ont pas connu leurs grands- parents, ni paternels, ni les miens. J'ai aujourd'hui 51 ans, un petit fils de presque 3 ans que je vois tous les jours. On est dingue l'un de l'autre, j'espère lui laisser ainsi qu'à ses futurs frères et soeurs, cousins et cousines, le même genre de souvenirs... qu'est ce que j'aimerai!!!
    C'est la toute première fois que je laisse un commentaire sur un blog... Mais voilà, c'est tellement beau, je regrette tellement que mes enfants n'aient pas connu cela... comme si je voulais rattraper ce manque. BONNE ANNEE à vous.

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